CAP sur l'apprentissage en mathématique - le début

À l'instar de plusieurs milieux scolaires à travers le Québec, ma commission scolaire lorgne sérieusement du côté des communautés d'apprentissage professionnelles pour supporter le renouvellement du développement professionnel dans nos écoles.

Comme cette modalité est en émergence dans les milieux francophones québécois, on a peu d'exemples-modèles mettant en scène notre culture scolaire, et il m'apparaît donc intéressant de nommer à la fois mes réflexions sur les cadres théoriques que je m'approprie, et sur les expériences que je vis comme conseillère pédagogique en mathématique, surtout si cela peut mener à la création d'un dialogue avec d'autres intervenants qui sont plongés dans les mêmes réflexions, avant et pendant l'action, que moi.

Première porte d'entrée, cet extrait, cité dans Les communautés d'apprentissage professionnelles de Sylvia M. Roberts et Eunice Z. Pruitt, qui est pour moi très porteur de sens:

En utilisant l'expression communauté d'apprentissage professionnelle, nous manifestons non seulement notre intérêt envers les gestes individuels de partage entre enseignants, mais également envers le développement d'une culture scolaire où la collaboration est attendue, présente, sincère, continue et centrée sur l'examen critique des pratiques pour améliorer les résultats d'apprentissage des élèves.
(traduit de Seashore, Anderson et Riedel, Implementing arts for academic achievement: The impact of mental models, professional community, and interdisciplinary teaming , consulté le 17 octobre 2013)

J'y reconnais l'obligation d'ouverture d'abord individuelle des différents enseignants, et cela n'est possible que dans un milieu où règne un climat de confiance et où les relations sont saines et transparentes.  Cette ouverture individuelle est fragile: ça ne prend qu'un nouvel enseignant dans un groupe qui ne manifeste pas cette ouverture, ou qui arrive avec ses certitudes inébranlables, pour que certains individus s'expriment moins, de peur de générer des confrontations ou une scission du groupe.  Et cette question des certitudes me semble liée, en milieu scolaire, aux croyances sur l'enseignement et l'apprentissage.

Que souhaite-t-on pour nos élèves en mathématique?  NOS élèves, parce que dans une culture de communauté, la centration sur l'apprentissage des élèves est partagée par tous, et que l'engagement personnel et collectif se traduit par une responsabilisation face à l'apprentissage de tous les élèves. Pour ma part, je souhaite:

  • une croyance partagée que tous les élèves peuvent apprendre, améliorer leur compréhension, qu'on peut soutenir la croissance de leur intelligence dynamique (growth mindset, voir Carol Dweck)
  • un cheminement d'apprentissage en mathématique qui s'appuie sur les compétences du 21e siècle, dont la collaboration, l'esprit critique et l'innovation, plutôt que sur la répétition des mécanismes et algorithmes typiques d'une application "simpliste" des procédures mathématiques,
  • un enseignement qui s'appuie sur des pratiques pédagogiques efficaces discutées, exploitées et analysées par les enseignants, (voir Visible Learning par John Hattie),
  • une compréhension construite en classe, avec les élèves, des critères de réussite et de leurs manifestations observables en lien avec les différentes tâches complexes (situations d'apprentissage et d'évaluation) au service du développement des compétences, (d'après le Programme de formation de l'école québécoise, domaine de la mathématique)
  • une préoccupation réelle de l'effet qu'on a sur la motivation des élèves et leur anxiété mathématique (voir  What's Math Got to Do with It?: How Parents and Teachers Can Help Children Learn to Love Their Least Favorite Subject par Jo Boaler).

Est-ce que cette vision est partagée par les équipes d'enseignants dans les écoles?  Est-ce discuté pendant la formation initiale à l'université?  Et y reconnait-on la particularité de la mathématique (c'est peut-être moi qui ne le voit pas, mais je n'ai jamais entendu parlé d'anxiété du français, de l'histoire ou de la biologie, alors que l'anxiété des mathématiques est bien documentée)?

Je retourne à la citation... Comment passer du partage des ressources et expériences individuelles au développement d'une culture qui se préoccupe de l'efficacité des pratiques et des impacts des choix pédagogiques sur les résultats d'apprentissage des élèves? Je pense que c'est d'abord en encourageant, supportant et célébrant l'ouverture de chacun des enseignants, sans jugement, avec intérêt et reconnaissance.

Dans les prochains mois, je travaillerai avec une équipe autour des tâches mathématiques auxquels ils exposent leurs élèves, en analysant les tâches selon deux angles: l'intérêt des élèves à s'y impliquer, et le niveau cognitif sollicité.  J'espère que cela sera l'occasion de dégager certains attributs caractéristiques de tâches signifiantes pour les élèves et qui sont axées vers le développement de leurs compétences mathématiques, et que notre collaboration se traduira par la naissance d'une véritable communauté d'apprentissage professionnelle.  Nous aurons beaucoup d'apprentissages à faire, et comme les enseignants se tournent souvent vers moi pour connaître "ce qui se fait ailleurs avec succès", je veux être prête à suggérer des possibles à expérimenter avec eux.  Peut-être que nous deviendons une équipe d'enquête collaborative?

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